Le dernier reportage d’Albert Londres (1/2)
Parmi les livres qui m’ont le plus inspiré dans ma quête du Shanghai d’hier et d’aujourd’hui, “La guerre à Shanghai”, recueil d’articles d’Albert Londres figure en bonne place. Le célèbre reporter est en effet venu a Shanghai entre Novembre 1931 et Avril 1932 afin de commenter les "événements" liés à l'invasion de la Manchourie par le Japon. A travers une série d’articles quotidiens particulierement vivants et bien documentés, on decouvre par le détail le Shanghai des années 30 avec un oeil neuf captant un moment clé de l'Histoire. Le grand journaliste meurt tragiquement un mois à peine après ces événements!
Qui est Albert Londres?
Considéré comme l'inventeur du journalisme d'investigation, Albert Londres s'est illustré par ses reportages à forte connotation sociale. Certains comme celui sur le bagne de Cayenne auront une influence décisive sur son époque. A la suite de cet article, le bagne sera définitivement aboli en 1938. Albert Londres est donc un journaliste qui “dérange”, prenant souvent le contrepied des points de vue de l'establishment, allant toujours au plus près de ceux qui souffrent pour recueillir une vérité souvent difficile à entendre. Nulle surprise donc que les portraits dressés dans “La Guerre à Shanghai”, soient à la fois grinçants et justes, mettant souvent en avant l'aspect paradoxal d’une guerre de proximité à laquelle la plupart des occidentaux ne comprennent rien. Albert Londres ira au plus près des combattants, se faufillant entre les barricades (photo ci-dessus derrière les lignes japonaises) pour recueillir les points de vue japonais, chinois républicains ou franc-tireurs ainsi que celui des Occidentaux.
Shanghai en 1932
Le Shanghai dans lequel arrive Albert Londres est une ville en pleine mutation. Dans les années 20, la ville s’est enrichie suite à la première guerre mondiale, profitant du blocus des ports européens. Les usines de textile et d'armement ont colonisé les rives de la rivière Suzhou et les abords du Huangpu dans l’ancien secteur américain. La main d’oeuvre abondante venue des campagnes vient grossir les rangs de la classe ouvrière naissante, faisant le lit du communisme. Les nombreux réfugiés russes et aventuriers de tout crin participent également à l’expansion de la ville, notamment dans les lilongs de la Concession Française.
L’arrivée au pouvoir de Chiang Kai Shek en 1927 a simplifié temporairement le paysage politique chinois en éliminant brutalement les leaders communistes mais les agitateurs restent présents au sein des milieux ouvriers. Le gouvernement Chinois d'alors ne controle qu'en apparence la situation comme le montre bien le journaliste. Les japonais viennent en effet de rentrer en Chine et la jeunesse chinoise nationaliste survoltée par les idées de Luxun (voir article Japonais à Shanghai et Chang Chongren) descend spontanément dans la rue contre l’envahisseur.
Ci-contre la mairie du Grand Shanghai