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Hong Kong & Shanghai Tours
23 mai 2018

Happy Valley, Shanghai connection

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DE931E1E-26FC-4EC6-8898-EBF787AA2B0AAprès mon article sur Little Shanghai, j'ai décidé de parler d'Happy Valley, un quartier atypique puisque surtout occupé par des cimetières et un champ de courses. Le nom Happy Valley désigne de manière morbide les cimetières pour les Britanniques et vient de ce que dans les années 1840, de nombreux soldats sont y morts de malaria. Par la suite, Portugais, Indiens et Chinois ont aussi fait un lieu de sépultures. Le nom initial, Wong Nai Chung (黃泥涌), la "rivière jaune et boueuse", aurait pourtant du éveiller l'attention sur les risques sanitaires encourus! La fameuse rivière fut détournée vers ce qui est devenu Canal Street, précisément.

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Lors de ma visite de Hong Kong Cemetary (autrefois Colonial Cemetary), où sont regroupés militaires et protestants, j'y ai trouvé une tombe portant un nom familier: Karl Gützlaff (1803-1851 ci-contre). Gützlaff est en effet un missionnaire allemand qui a suivi William Jardine, lorsque celui-ci faisait rentrer illégalement de l'opium en Chine. Servant alors d'interprète auprès des populations locales, il en profitait pour procéder à des conversions à la foi chrétienne. William Jardine avait reçu de la part des Chinois le surnom de "Vieux rat tête-de-fer" et celui de "Prince des marchands" par les autres nationalités et est passé à la postérité en déclanchant la Guerre de l'Opium qui mit la Chine à genou pendant un siècle! Quant à Gützlaff, sa réputation d'évangélisateur fut ternie par un scandale lorsque les missionnaires qu'il avait nommé détournèrent à leur profit les donations, en fournissant de faux rapports de conversion. Ceci n'empécha pas en 1907 les missionnaires Français de Shanghai de nommer le sémaphore sur le Bund indiquant la météo aux bateaux ammarés sur le Huangpu, la colonne Gützlaff.

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D'autres personnages célèbres sont enterrés à Happy Valley comme Paul Chater (1846-1926), cet homme d'affaires arménien dont le nom désigne la place principale du quartier colonial. Il est photographié ci-contre aux côtés d'un de ses chevaux après une victoire à Happy Valley. Une autre sommité est Sir Robert Hotung (1852-1956), le premier Chinois métis à accéder au poste de chef comprador au sein des établissements Jardine. Ses contributions philantropiques sont immenses, que ce soit comme membre du conseil d'administration de l'hopital Tong Hwa ou comme fondateur du Chinese Club, qui voulait approrter une réponse à la politique ségrégationiste du Hong Kong Club. Enfin, citons un autre hongkongais célébre, Doradjee Naorojee (1852-1898), fondateur en 1888 des Star Ferries qui font encore la navette dans le port de Hong Kong. Il repose dans le cimetière Parsee, juste au Sud du Hong Kong Cemetary.

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Le champ de courses de Happy Valley voit le jour en 1846, l'endroit étant à cette époque le seul possible pour cette activité, la politique des "land reclamations" n'ayant pas encore démarré. Celui-ci se trouve en tout point similiaire à celui de Shanghai (People Square), qui ne sera ouvert que quatre ans plus tard. En son centre, on trouvera au fil du temps d'autres activités sportives, jeux de balles et terrains d'entrainement et tous deux jouent très vite le rôle d'un poumon vert au milieu d'un tissu urbain dense. Dès le début également, les écuries et propriétaires font le déplacement d'une ville à l'autre. Ainsi en 1910, un observateur note que l'écurie qui domine les courses de Shanghai est celle de Jardine. Paul Chater est, quant à lui, aussi membre du Shanghai Race Club. Venu de Shanghai, en revanche, le tycoon Suédois Eric Moller, dont on peut encore admirer la villa extravagante au croisement de la rue Shaanxi et de la Yan An Elevated Road, se distingue en gagnant le Hong Kong Derby de 1938 avec son cheval "Silkylight".

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Je n'ai pas vérifié si Victor Sassoon, auteur de la photo ci-contre et autre grand amateur de courses, s'est rendu à Happy Valley comme il le faisait souvent à Pune, en Inde, mais c'est fort probable, sachant qu'il s'est souvent opposé aux chevaux d'Eric Moller. Le 26 Février 1918, un incendie dans l'un des stands de Happy Valley causera la mort de 614 personnes, principalement des Chinois. Cet événement nous renseigne sur l'engouement dont font preuve les Chinois pour les courses. Ce sont souvent des petits parieurs mais l'essentiel des revenus des champs de courses repose sur eux. Ainsi à Shanghai, c'est 90% des recettes qui proviennent des Chinois. Or en 1918, c'est sur une estrade temporaire en bambou et non dans le grand stand que la plupart assistent à l'événement.

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La conséquence de cette installation se révélera dramatique. A Shanghai, les Chinois se voient purement et simplement interdire l'accès au champ de course en dehors de derbies, règle qui ne s'applique ni aux noirs, ni aux Indiens. Les jours de course, c'est debout qu'ils encouragent leurs jockeys préférés. Autant dire qu'en 1949, les communistes mettront fin aux courses de chevaux, devenues un symbole de l'ordre colonial, ce qui ne sera évidemment pas le cas à Hong Kong. Avec la main-mise des gangs sur Shanghai dans les années 1930, bon nombre d'histoires font état de paris truqués. Ainsi, l'inspecteur Joseph Shieh de la Concession Française de Shanghai, rapporte-t-il dans ses mémoires: A partir de 1932, je commençai à mener ma propre barque sur le terrain de courses[...]. Je m'étais lié d'amitié avec le chef des jockeys, qu'on appelait "Captain" et lorsqu'il m'apercevait il s'approchait en murmurant: "Jouez sur le 9!""Mais c'est un canasson", lui disais-je."Non, on l'a dopé ce matin..."Effectivement, le 9 gagnait et j'empochais 6000 ou 7000 yuans.[...]. A l'époque, on pouvait s'acheter une voiture importée pour 2000 yuan, c'est dire si les sommes étaient considérables.

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Rien ne prouve que les triades de Hong Kong aient été impliquées dans des courses arrangées mais c'est le cas dans de nombreux autres sports dans le monde. Le biopic "Chasing the Dragon" sur le seigneur de la drogue hongkongais Ng Sik-ho montre le personnage principal acheter tous les jockeys d'une course pour faire gagner son cheval. Récemment, la découverte d'un dispositif avec tubes et fléchettes dans la pelouse de Happy Valley a aussi relancé les soupçons sur les triades. En attendant, le Hong Kong Jockey Club contribue à financer de nombreux établissements publics.

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La saison des courses de Shanghai comprenait le printemps et l'automne avec deux jours de courses par semaine. A Hong Kong, le mercredi est venu compléter le dispositif. En participant au "Happy Wednesday" du French May de cette année, j'ai pu constater combien les courses étaient populaires à Hong Kong. Près de moi, des joueurs habillés en shorts et tongs, fumant cigarette sur cigarette en analysant minutieusement la presse spécialisée. Visiblement des petits commerçants, livreurs ou employés modestes, excités du départ des chevaux jusqu'au passage du poteau. Au même moment, dans les étages supérieurs des stands, des convives autrement plus argentés pariaient dans des salons privés en compagnie d'invités à l'aide d'écrans interactifs. Un tout autre monde!

Comme peu d'endroits à Hong Hong, Happy Valley nous entraine dans un voyage historique et culturel qui laisse entrevoir la véritable âme de la ville.

Références:

  • Foreign Mud: Being an Account of the Opium Imbroglio at Canton in the 1830's and the Anglo-Chinese War that Followed, de Moris Collins, Faber 1946
  • Policing Shanghai 1927-1937, de Frederic Wakeman Jr, First Edition 1996
  • Hong Kong Jockey Club Museum collection de photos et tickets de paris
  • Around the race course, Cabarets, Christians and Champagne Day, de Tina Kanagaratnam and Patrick Cranley, Final Five Shanghai Walks 2017
  • Carnets personnels et albums photos de Sir Victor Sassoon, visite en Aout 2017 à la De Golyer Library, Houston Texas 
  • Dans le jardin des aventuriers de Joseph Shieh and Marie Holzman, Seuil 1995
  • Silky Light wins the turf classic, article dans le Hong Kong Daily Press du 22 Février 1938
  • Chasing the Dragon, film de Wong Jing avec Andy Lau et Donnie Yen, 2017
  • A mystery at Hong Kong race track, article de Keith Bradsher du 27 Mars 2007 dans le The New York Times
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