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14 novembre 2016

Vertinski, l'âme Russe de Shanghai

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IMG_0612Parmi les personnages célèbres qui ont vécu à Shanghai, le chanteur Russe Alexandre Vertinski occupe une place très particulière. Né à Kiev en 1889, Vertinski débute sa carrière en 1916 dans le costume de "Pierrot noir", une version expressionniste du personnage de la Comedia del Arte exprimant la mélancolie de l'âme russe. À cette époque, d'autres artistes Européens comme Sarah Bernhardt s'habillaient également en noir et blanc, afin d'accentuer les expressions du visage et les mouvements des mains et transmettre plus facilement des émotions. Plus tard, le célèbre mime Marceau et la chanteuse Edith Piaf utiliseront aussi le blanc et noir sur scène pour les mêmes raisons.

Vertinski s'est rendu célèbre pendant la période de la Russie Tsariste en chantant des chansons d'amour comme "Tango Magnolia" (cliquer pour entendre), qui transportaient le public dans un monde de rêve exotique à l'eau de rose. Lorsque la Première Guerre Mondiale a éclaté, suivie de peu par la Révolution d'Octobre 1917, la clientèle de Vertinski, essentiellement les élites tsaristes, émigra dans d'autres pays d'Europe et le chanteur leur emboîta le pas en 1918. Après s'être produit en Turquie, en Pologne et en Allemagne, il s'installe finalement à Paris en 1923, où il chante dans les nombreux cabarets de Montmartre. La communauté des nobles et riches marchands émigrés Russes était en effet importante dans le Paris des années 1920. La scène artistique Française subit alors l'influence Des peintres tels que Soutine, Kandinsky ou Chagall et des compositeurs tels que Chaliapine. Rien de surprenant donc, à ce que Vertinski reste neuf ans dans la capitale française, assuré d'une audience dans le groupe des Russes nostalgiques de leur pays. En 1926, il réalise l'un des premiers enregistrements de "Dorogoi dlinnoyu", qui sera repris plus tard sous le titre "These were the days".

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En 1932, il décide de suivre une partie de sa clientèle fortunée à New York, où il fréquente alors Marlène Dietrich et Rachmaninoff. Cependant, la Grande Dépression des années 1930 coupe court à son rêve et à sa carrière américaine. Il part en 1935 pour Shanghai où il rejoint l'importante communauté russe venue de Harbin et de Vladivostok après la victoire finale des Bolcheviks en 1920. Le boom économique de ces années à Shanghai donne l'occasion aux Russes apatrides (ils n'avaient plus de passeport Russe car leur pays était devenue une partie de l'Union Soviétique) de prendre un nouveau départ. Dans la Concession Française, le long de l'avenue Joffre, de nouveaux commerces voient le jour sous l'impulsion des Russes Blancs: boulangeries, salons de beauté et restaurants, Les night-clubs et cabarets de la "Petite Russie", ainsi qu'en l'on nommait cette partie de La ville incluaient le "DD's", le "Renaissance", l'"Arcadia" ou le "Tkachenko's".

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La vie nocturne fournit des emplois à des musiciens comme Oleg Lundstrem, un Russe converti au jazz après avoir écouté les disques importés de Duke Ellington ou encore Serge Ermoll, le chef d'orchestre de l'Hotel Majestic. Les femmes Russes, par contre, n'ont parfois d'autre choix que de travailler comme taxi dancers pour nourrir leur famille, tombant pour beaucoup dans la prostitution (une sur quatre selon une étude). Pour Vertinski, chanter des chansons russes mélancoliques devient une marque de fabrique. De nombreux immigrants Russes ne parviennent en effet pas à obtenir des postes importants dans la société coloniale empreinte de racisme de l'époque, dominée par les Britanniques. Même les Chinois méprisent les Cosaques déchus, souvent ivres dans la rue, et leurs équivalents féminins qui travaillent dans les bars glauques de Blood Alley ou des quartiers pauvres de Hongkew. La nostalgie est par conséquent un état d'esprit très répandu parmi les Russes de Shanghai. Vertinski chante le plus souvent dans des restaurants et des cabarets de seconde classe, accompagné par de très belles femmes, dont la superbe Bubi (merci à Paul French et Katya Knyazeva qu'on m'en ont parlé). En 1938, il parvient à ouvrir son propre night-club, le "Gardenia", situé en dehors des Concessions Étrangères, le long de ce qui est devenu La Yan An Elevated Road. En 1941, il épouse Lidya Tsirgvava, une actrice et peintre d'origine Georgienne, avec qui il aura sa première fille Marianna (Photo de gauche).

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En 1941, lorsque l'Allemagne Nazie envahit l'Union Sovietique, il est difficile pour beaucoup de Russes de résister à la tentation de rentrer pour défendre la mère patrie, quel qu'en soit le régime politique. À cette époque, Vertinski a tellement le mal du pays (peut-être sous l'influence de ses propres chansons) qu'il écrit une lettre déchirante à Staline lui-même pour lui demander la permission de rentrer, en échange de sa contribution à la Russie Soviétique. De manière surprenante, sa demande est acceptée et Vertinski est pris au mot. Quand il revient en Russie en 1943, il devra se produire dans tout le pays sans relâche, chantant dans les kolkhozes et les usines de Kaliningrad jusqu'à Sakhaline. Vertinski donnera un total de deux mille représentations dans ces années, n'épargnant aucun effort pour racheter son ancien comportement "bourgeois". Le personnage de Vertinski sera même utilisé dans les films de propagande soviétique pour incarner les méchants, comme "The doomed conspiration" où il joue un cardinal anti-communiste (Photo ci-dessus).

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En 1944, le couple a une seconde fille, Anastasiya (Photo de gauche), qui deviendra par la suite une grande actrice du cinéma sovietique. De façon drôle (quoi que le mot soit mal choisi alors que Vertinski s'est pratiquement tué à la tâche), le chanteur recevra le Prix Staline en 1951 pour son rôle dans "The Doomed Conspiration". Il meurt six ans plus tard à l'Hotel Astor de Leningrad.

Alexandre Vertinski est considéré aujourd'hui comme l'un des plus grands chanteurs de l'histoire russe. Comme la plupart des personnages fascinants qui ont traversé le Shanghai des années 1930, il a connu de nombreux changements politiques et historiques dans son existence. Peut-être que si vous marchez le long de Huaihai Middle Road, le nouveau nom de l'avenue Joffre, vous entendrez encore les accents dramatiques de sa voix ou bien  les pleurs des violons qui l'accompagnaient. La mélancolie est parfois un sentiment merveilleux!

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